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Nos ainés : si mal aimés ?

Quelle est la place aujourd’hui de nos ainés dans nos vies ? Dans notre société ? Dans nos projets ? Pourquoi la vieillesse nous fait si peur au point de la mettre au placard, cachée, dissimulée ? De quoi avons-nous honte finalement ? De cette dégradation biologique qui s’opère secrètement de jour en jour dans nos corps et cela pourtant dès la vingtaine passée ?


En fuyant ce cycle « naturel » et nécessaire de la vie… le combat n’est-il pas perdu d’avance ?


homme agé et veillesse qui danse

La place des ainés en Occident


Je revenais un matin de l’Ehpad où j’interviens en tant que bénévole d’écoute et d’accompagnement pour la fin de vie.  J’ai tellement à en dire… et pourtant les mots me manquent face à ce vide sociétal immense que l’on a créé collectivement mais aussi individuellement. Sur le chemin du retour, je me suis mise à envier tous ces pays du monde, parfois très pauvres, mais où les ainés ont une place, un rôle, un avenir, une estime, une grandeur, une sagesse qui est la fierté de tous.


J’ai discuté avec deux résidents ce matin-là, qui avaient chacun 4 et 6 enfants… mais pour autant … quasiment pas de visites ! Mais comment nous, citoyens occidentaux avons-nous pu en arriver là ? A quel moment avons-nous basculé vers cet abandon de nos anciens ? Vers cette fuite de la vieillesse, de la fragilité, de la mort ?

 

Vieillir, entre hier et aujourd’hui


Durant des siècles, la vieillesse comme la mort côtoyaient de près nos vies. Les plus âgées vivaient dans les familles, les défunts étaient veillés dans les maisons, le deuil était montré physiquement avec le port de tenues noires… Ces périodes précieuses de la vie étaient reconnues, vécues, respectées, honorées.


Notre regard s’est aujourd’hui concentré ailleurs: sur le progrès, la technologie, la recherche des plaisirs, du bien-être, des distractions, de l’instantané, du bonheur afin que tout cela dure le plus longtemps possible…


Malgré la présence (étouffante ?!) des réseaux « sociaux » nous ne vivons plus en communauté, en groupe. Avec cette distanciation et cet individualisme, nos liens se sont bien souvent éloignés, distendus… perdus.

 

L’idéalisme du « Jeunisme » 


La question existentielle de la mort et de la vie et au cœur de nos préoccupations les plus profondes depuis des siècles.


Notre propre finitude nous effraie, c’est pourquoi l’on s’enivre des plaisirs matériels et instantanés de la vie en espérant profondément qu’ils nous éloigneront le plus longtemps possible de cette réalité. C'est pourquoi cette course au « jeunisme » s’est infiltrée par tous les pores de notre société et nous voilà pleinement conditionnés bien malgré nous : paraitre jeûne à tout prix, cacher ses cheveux blancs, diminuer ses rides, ses cicatrices de vie, ses kilos, ses défauts, ses blessures, ses émotions, sa vulnérabilité… Que reste-t-il alors à montrer de notre authenticité et de notre vie ?

Que fait-on alors quand les signes de l’âge arrivent, que le corps fatigue, que les douleurs sont présentes, que les kilos s’installent ?


L’accueil de ces changements profonds, inévitables mais surtout nécessaires à notre évolution est pourtant primordial pour conserver de la paix et de l’harmonie dans son cœur et dans son corps, à toutes les périodes de l’existence.

 

Manque de temps ?


Vers quoi courrons-nous dans ces journées et ces semaines effrénées ? Car le problème est posé : "on manque de temps" !

Pour beaucoup le temps semble s’être accéléré et nos semaines avec. Nous voilà étriqués dans des vies pressées qui n’ont plus l’espace d’accueillir l’essentiel : le partage, l’aide aux autres, l’amour, la vie, la mort.


Manquons-nous réellement de temps ou est-il devenu difficile d’apprendre à l’organiser ?


Je fais ici un petit aparté sur cette idée du manque de temps qui suppose que l’on aurait désormais moins de disponibilité à offrir aux autres et notamment à nos ainés.


Lors d’une discussion animée et amusante avec des amis, nous avons fait l’expérience de trouver les « fuites » de ce manque de temps dans nos plannings respectifs. Le point clé qui en est ressorti : les écrans ! En comparant nos « temps d’écran » sur nos téléphones nous avons mise en lumière une piste sérieuse et... alarmante !


Les réseaux sociaux, les vidéos, la TV, Netflix… voilà ce qui engloutie pour une bonne partie nos journées.

Pour nous tous, le décompte était en « heures », je vous laisse imaginer sur une journée de 24h la place que cela prend… (Faite le test de voir vos temps d’écran sur le téléphone, ça peut être très surprenant et positivement percutant !).

 

France Info annonçait au mois de Janvier que « la moyenne de temps d’écran en France a sensiblement augmenté : avec 4h37 l’année dernière, le chiffre a augmenté d’environ une heure en un an » (cela représente 29 % du temps hors sommeil, soit 1/3 de nos journées…).

 

Alors manque-t-on réellement de temps à partager ou à offrir… ?


 personnes agée et vieillesse

 

L’impermanence de la vie


L’acceptation de notre évolution paraît évidente et pourtant elle est difficile, voir douloureuse. J’aime me rapprocher des philosophies indiennes, bouddhistes et asiatiques quand je recherche des éléments de réponses pour apaiser ses peurs profondes de l’être envers sa finitude.


Le Dalaï-Lama disait « Je m’étonne des hommes. Ils perdent la santé pour accumuler de l’argent, ensuite ils perdent de l’argent pour retrouver la santé. Et à penser anxieusement au futur, ils en oublient le présent de telle sorte qu’ils finissent par non vivre ni le présent, ni le futur. Ils vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir… et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu. »


Nous sommes adossés à la mort en permanence mais sans sa présence silencieuse nous n’aurions aucun but profond dans l’existence. C’est ce temps imparti qui nous est donné qui rend la vie précieuse et intense.


La vieillesse est un passage important qui nous amène petit à petit à nous délester du superflu, du matériel, du non-essentiel. Le corps physique se diminue mais dans cette perte de vitalité, c’est un monde intérieur qui s’ouvre vers une conscience plus pure, plus profonde. L’humain est moins dans le « faire » mais s’incarne pleinement dans « l’être ».


Face à cette nouvelle réalité, parfois teintée de solitude ou de dépendance, la résilience intérieure s’intensifie, la sagesse des expériences passées apporte une plus grande paix dans l’instant présent.


« La vieillesse est comparable à l’ascension d’une montagne, plus vous montez, plus vous êtes fatigués, mais combien votre vision s’est élargie ! »

Ingmar Bergman

 


En Ehpad comme ailleurs, nous emmenons pourtant nul part toutes les richesses et les biens que l’on a mis une vie à convoiter et à acquérir.


Maintenir la vitalité de son corps avec une bonne hygiène de vie, honorer ses émotions, ses besoins, ses envies, ses rêves, respecter la Nature, les autres, partager son amour, son temps, son cœur… Sont-elles là les recettes pour vieillir heureux ?


Je me suis imaginée un monde à la Benjamin Button où l’on commencerait la vie à l’envers pour garder toujours en mémoire la place de l’essentiel.

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